En conséquence, les entretiens d’embauche ont été inversés. “L’agence doit maintenant montrer ce qu’elle peut leur apporter. Leurs exigences sont élevées, et je dirais justifiées. Ils veulent être sûrs que tout le temps passé à l’agence est significatif, de qualité, et que l’expérience leur apportera quelque chose.”
Une main-d’œuvre volatile
La fascination des générations précédentes pour la publicité s’est estompée, remarque-t-elle. Les jeunes ne regardent pas souvent la télévision, ils ne raffolent pas des beaux spots télévisés. Bref, la publicité ne fait pas partie de leur culture populaire. La publicité est probablement un choix de métiers parmi d’autres, tout comme l’agence dans laquelle ils acceptent de travailler.
“Une agence est désormais un tremplin plutôt qu’un plan de carrière. L’ironie, c’est que bien que les jeunes ne s’investissent pas à long terme auprès de nous, les agences, elles, ne se sont jamais autant investies auprès d’eux pendant la courte période où ils sont chez nous. Nous avons accepté le fait que notre investissement et notre encadrement profiteront à une autre agence, et vice versa. C’est une main-d’œuvre partagée.”
Sur une note positive, cela signifie que toutes les agences façonnent l’avenir de la communauté publicitaire. “Nous avons la responsabilité commune de faire de ces jeunes des personnes exceptionnelles.”
BETC fait beaucoup pour permettre cela. Elle organise régulièrement des masterclasses, ainsi que l’Académie BETC, animée par le président et directeur de la création, Stéphane Xiberras. Cette dernière réunit des équipes de jeunes créatifs, des stratèges et chargés de clientèle qui travaillent sur des briefs concrets. Les résultats sont ensuite présentés au client. Les jeunes équipes sont également encouragées en interne à travailler sur des « briefs sauvages », qui sont des appels à des idées innovantes pouvant être proposées aux clients.
L’avantage créatif
La créativité compte toujours. En effet, l’opportunité de perfectionner ses compétences créatives est un avantage qu’a l’industrie de la publicité par rapport à beaucoup d’autres. “Certaines études montrent que la créativité est plus valorisée que l’intelligence – et elle occupe la première place dans la liste des meilleures compétences non techniques à avoir”, explique Antoinette. “C’est une compétence qui ne peut pas être ôtée par la technologie, même par la fantastique révolution de l’IA que nous vivons.”
En raison de cette révolution, ajoute-t-elle, c’est le moment idéal pour entrer dans le secteur. “S’ils entrent dans l’industrie maintenant, ils auront le même énorme avantage d’être nés avec l’IA que la génération des natifs du numérique a eu avant eux.”
Antoinette a récemment entendu le directeur d’une école de publicité dire aux étudiants diplômés qu’ils avaient une importante marge d’apprentissage devant eux, “parce que tout ce que vous avez appris ici sera dépassé dans six mois”. Le secteur évolue à une vitesse croissante. Alors comment enseigner la publicité ?
“La meilleure solution est de favoriser la créativité afin d’aider les jeunes à relever les défis futurs. J’ai récemment lu que 71 % des professionnels diplômés de l’enseignement supérieur estiment que la pensée créative devrait être enseignée comme un cours. Elle permet de s’adapter. L’IA ne va pas nuire aux personnes créatives, car elles l’adopteront et l’utiliseront.”
Les écoles de publicité françaises proposent généralement des programmes sur cinq ans, mais certains diplômés ont confié à Antoinette qu’ils devraient être réduit à trois ans. “D’autant plus qu’une grande partie de ce temps est consacrée aux stages. Ils préféreraient entrer dans une agence plus tôt.”
Cela dit, ils apprécient les cours qui aiguisent leur créativité, en particulier les « batailles publicitaires » où les équipes s’affrontent sur des briefs. “En général, les élèves expliquent qu’il y a un accent de plus en plus important mis sur la créativité, même du côté de la gestion du client et des dossiers, par exemple.”
La publicité, pour le meilleur ou pour le pire ?
Il est évident que les jeunes se préoccupent du changement climatique et du développement durable. Le lien de la publicité avec la surconsommation les a-t-il amené à s’y opposer ? C’est ce que Antoinette pense.
“Cela dit, nous avons des jeunes dans l’agence, donc certains sont prêts à se joindre à nous,” dit-elle. “Ce que leur génération déteste vraiment, c’est toute forme de greenwashing. Ils pardonneront facilement à une marque qui refuse de s’excuser si elle est cool ou authentique, mais ils ne supportent pas le camouflage.”
Alors que de nombreux jeunes souhaitent un emploi ‘qui a du sens’, la publicité n’est pas l’océan d’hypocrisie qu’ils redoutent. “Les campagnes motivées par des valeurs fortes sont peut-être en déclin, mais la publicité a encore un pouvoir énorme pour provoquer du changement positif. En interne, des efforts sont déployés du côté de la durabilité de la production, comme le fait de ne plus parcourir des milliers de kilomètres en avion pour un tournage.”
Alors, quel est le profil des jeunes qui entrent chez BETC ? Ont-ils tendance à venir
d’écoles de publicité ? “Certains viennent de cette voie, mais dans son historique, l’agence a toujours été très ouverte. Nous aimons les personnes avec des parcours et des points de vue différents. Si je regarde autour de moi, l’agence est un melting-pot de penseurs non-conformistes et créatifs. Il y a donc quelque chose qui fonctionne bien dans notre recrutement.”
Cela se voit à tous les niveaux, dit-elle. “Que ce soit les stratèges, les commerciaux ou même la cantine, tout le monde encourage la créativité.”
L’esprit de BETC est de plus en plus international, avec plus de 30 nationalités différentes qui y travaillent. Outre une ouverture d’esprit, quelles autres qualités Antoinette recherche-t-elle chez les jeunes recrues ? “Des personnes meilleures que moi, dont je peux apprendre autant qu’elles peuvent apprendre de moi.”
Elle admet être souvent triste de les voir partir après un court laps de temps. “Ils aiment passer d’une agence à l’autre et apprendre de chacune d’entre elles. D’une certaine manière, je peux comprendre. Ils veulent que chaque moment de leur vie soit passionnant.”